Voici plus d'une semaine que nous sommes arrivés et nous avons déjà réussi un objectif : rencontrer de nouvelles têtes... Bien entendu, toutes ces rencontres ne débouchent pas sur de réelles amitiés comme celles qu'on peut avoir en France, mais plutôt sur un partage entre cultures differentes.
Plusieurs personnes nous ont marqués depuis notre arrivée.
Hier, nous avons discuté avec une allemande -en français bien sur, vous connaissez mon niveau d'allemand assez pitoyable- agée d'une cinquantaine d'années. J'ai rarement été aussi captivée. La discussion commence évidemment par des futilités « do you want a cup of tea? » pour dériver vers des présentations « where do you from ? » « ahh vous êtes français! »... puis de fil en aiguilles, on entame une lonnnngue discussion où se mèlent nationalisme allemand, perception des étrangers vis-à-vis de l'Allemagne ou encore vie des allemands de l'est avant la Chute du Mur...
Discuter autour du cidre anglais, distribué en canettes... |
Petit apparté pour mieux comprendre.
Nous sommes ici depuis peu de temps, pourtant on a déjà entendu de nombreuses fois des préjugés sur les differentes nationalités. Bon, évidemment pour les Français, on nous ressort toujours la baguette, la tour Eiffel, mais on nous dit surtout que tous les français sont vraiment trop gentils, sympas « so friendly »...
Les étrangers nous comparent alors très souvent aux allemands ; « les Français sont si gentils, ils ont le sens de l'hospitalité, en revanche, les Allemands... ahhhrrg j'aime pas les Allemands. » De même, l'autre jour, on se promenait dans la rue, quand un anglais s'est arrêté pour nous demander notre nationalité... peu de temps après, il a ajouté qu'il détestait les Allemands. POURQUOI ?
Revenons à nos moutons.
Nous avons donc discutés avec cette allemande de Munich qui nous explique que comme nous, elle ressent cette défiance envers les Allemands, qui existe selon elle dans beaucoup de pays. Elle nous explique par exemple que lors d'un séjour aux Etats-Unis il y a deux ans, son chauffeur de taxi lui a demandé sa nationalité. Après sa réponse, il fit alors le salut hitlérien en criant « Heil, Hitler »...
Aujourd'hui, peu d'Allemands ont vécu la guerre, mais il existe toujours un tabou selon elle. Les Allemands restent partagés entre devoir de mémoire et regards vers le futur. Elle nous expliquait ainsi que le nationalisme allemand n'existe pas, le poids de l'histoire restant toujours très présent. A l'école, les Allemands aprennent très vite l'existence du passé hitlérien, mais la guerre est toujours présentée avec des chiffres, avec une réelle distance, et de façon très rapide. Selon elle, les Allemands de 8 ans ne peuvent pas digérer, comprendre et réfléchir sur leur histoire. Ainsi, le tabou perdure. Elle met alors l'accent sur l'importance de l'éducation. Je pense aussi que c'est grâce à l'éducation que les Français ont peut-être moins d'amertume envers les Allemands qu'ici par exemple. On nous apprend très vite ce que signifie l'Union européenne et la fameuse amitié « franco-allemande »... Une chose qui semble moins évidente ici. (voir petit apparté du dessus).
Après la guerre, comme vous le savez tous, l'Allemagne a été divisée en deux parties. Notre bavaroise est alors devenue une Allemande de l'Ouest. Elle nous demande ce qu'on connait sur cette période, je lui répond alors que les Allemands de l'est étaient plutôt pauvres. Sa réponse :
« Les Allemands de l'Est n'étaient pas réellement pauvres économiquement, ils étaient pauvres en liberté. Ils avaient de l'argent, mais ils ne pouvaient pas réellement s'en servir, peu de choix leur était proposé. » Je pense alors évidemment à la célèbre voiture « Trabant », la seule disponible en Allemagne de l'Est, qui arrivait parfois plusieurs années après la commande...
Elle me parle alors d'un autre exemple :
« Les Allemands de l'Est avaient parfois le droit d'aller en vacances en Hongrie, et les Allemands de l'Ouest et de l'Est s'y retrouvaient souvent. Eux, devaient payer avec des bons spéciaux quand nous, nous pouvions payer avec la monnaie normale. Pour moi, c'est comme si ils portaient une étoile jaune. Ils ne pouvaient jamais avancer librement, ils devaient aller dans certains magasins qui acceptaient les bons. Alors parfois je leur donnais de la monnaie normale et moi je payais avec des bons, afin qu'ils aient un sentiment de liberté. Pour moi, payer avec les bons, c'était comme un jeu, mais pour eux, c'était une prison qui a duré 40 ans... »
J'ai déjà étudié des dizaines de fois cette période en cours d'allemand, mais entendre ces paroles d'une Allemande de l'Ouest qui est en face de toi, qui a la voix tremblante, ça n' a rien à voir ...
Le Mur est tombé en 1989 -ça aussi, vous devez le savoir!- , pourtant le Mur est toujours dans les têtes en Allemagne.
Selon elle ; « Au cours d'une discussion avec un autre allemand, on demande toujours, tôt ou tard, tu viens de l'ouest ou de l'Est ?. On le mentionne juste, on n' y attache pas vraiment d'importance, mais on le demande toujours... »
Plus de 20 ans après la réunification, celle-ci n'est toujours pas terminée, et les rancoeurs sont toujours présentes. « Après la Chute du Mur, les allemands de l'ouest ont profités de l'Est, éblouis par le système capitaliste et la large gamme de choix proposés. Ainsi, des Allemands de l'Ouest ont vendu à leurs homologues de l'Est des vieilles télés, des voitures d'une vingtaine d'années à des prix incroyables ! Et pourtant, ceux de l'Ouest rechignent toujours à payer la taxe de la réunification (qui existe toujours aujourd'hui). Elle sert à financer le rattrapage du niveau de vie de l'Est vis-à-vis de l'Ouest, le coût de la réunification étant estimé à 80 millions d'euros.... »
D'autant plus que les Allemands de l'Est ont subi ou souhaité un changement radical de vie, en passant du communisme au capitalisme. Ils avaient certes davantage de choix, de liberté, mais ils étaient moins protégés. « Les Allemands de l'Est devaient désormais se soucier de trouver une crèche pour la garde de leurs enfants. Ils n'avaient plus accès à une éducation et une santé complètement gratuite. Beaucoup ont été vraiment désarçonnés, certains regrettant l'époque communiste. »
Enfin, je finirais juste avec deux phrases qui m'ont marqués :
« Les Français sont parfois étonnés que le 8 mai ne soit pas un jour férié en Allemagne ! »
« Heureusement qu'on a perdu »
Paroles d'une bavaroise de cinquante ans.
Voici un exemple de discussions inédites. Nous avons aussi évoqué le Coran avec un Pakistanais, la cuisine avec un Sri-Lankais... L'auberge est vraiment propice aux discussions incroyables.
Bon, y' a un anglais qui se fait livrer des scies (des vraies de vraies) à l'auberge, lui, on ne lui a pas trop parlé !
Elodie
Tres interessant merci de nous faire partager cela et tres belle écriture Elodie :)
RépondreSupprimerCaptivant !
RépondreSupprimerNathalie
j'adore lire vos articles !!! Merci d'écrire tout ça. Bon séjour et profitez bien Gros bisous
RépondreSupprimerJe kiffe votre blog! ça me donne des fourmis, j'ai vraiment envie de partir! Autrement, la petite référence aux scies m'a fait étrangement penser à un résident de la cité Patton . . .je te laisse deviner qui.
RépondreSupprimerBisous mes petits
Je vous lis avant de faire dodo ... J'ai adoré ton histoire élodie, on imagine bien la vie en allemagne hier et aujourd'hui, ça doit etre très interessant de parler avec des gens comme ça. Bonne continuation, continuez d'écrire vous avez une tres belle plume.
RépondreSupprimerGwennolé
Super article. Nos cours d'histoire geo ne sont peut etre pas si mauvais que ça... Gros bisous, on pense a vous.
RépondreSupprimerEnjoy!!!
Très agréable à lire tes posts Elodie !! Cette Madame Bavaroise te réconciliera peut être avec la langue allemande ;)
RépondreSupprimerAgathe